ARTICLES Lex Terra Avocat
Loi Elan : Un pas modeste vers un habitat digital
Abstract
Le projet de loi Elan se fonde pour partie sur la volonté d’adapter l’habitat à l’univers digital. Un examen du texte conduit à relativiser cette vision. Les dispositions relatives à cet aspect sont assez peu nombreuses et d’une portée plutôt limitée, y compris la mesure phare du bail numérique, au moins à ce stade de la réforme.
Article
Le projet de loi Elan - pour Évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, pose clairement le principe d’adapter l’habitat au monde digital. L’exposé des motifs du texte relaye le souhait des pouvoirs publics de s’inscrire dans une telle démarche.
Pour le législateur : « Les transitions numérique et écologique transforment les attentes des Français en faveur d’un habitat confortable, sobre en carbone et support de service à l’occupant. ». Et, « Notre politique du logement est encore trop pensée pour les besoins d’hier, et pas assez pour ceux d’aujourd’hui, encore moins ceux de demain. ». Appelant à : « mettre les transitions énergétiques et numériques au service de l’habitant et de nouvelles solidarités entre les territoires et les générations ; ».
Toutefois, ce texte dense, abordant des sujets pour le moins variés et comportant déjà près de 70 articles, comporte finalement assez peu dispositions propres à fonder un habitat digital. Quantitativement, seulement 10% des articles se rapportent à ce sujet. Certes l’approche est trompeuse puisque certains d’entre eux se contentent de poser des principes, laissant le soin à l’exécutif de les développer par voie d’ordonnance, à l’image du bail numérique (art. 61 Projet de loi Elan n°846).
Une analyse qualitative confirme cependant cette première indication, aussi fragile soit-elle. En effet, le projet prévoit une première série de dispositions, disons techniques, visant à ajuster des mécanismes existants. On peut citer l’allégement de la procédure d’installation d’antennes de radiotéléphonie (art. 61 Projet de loi Elan n°846), ou les précisions apportées à la procédure de dématérialisation des autorisations d’urbanisme (art. 17 Projet de loi Elan n°846) initiée par les décrets dits SVE (oct. et nov. 2016).
Ensuite sont prévus deux dispositifs traduisant sur le fond une volonté d’instaurer un service logement numérique. Il s’agit d’une part d’une mesure d’investissement de soutien à la couverture numérique du territoire français (art. 62 et 63 Projet de loi Elan n°846). D’autre part, le texte comprend une mesure « emblématique », celle instaurant un bail numérique que nous venons de mentionner.
Pour être complet, il faudrait ajouter la mesure supprimant le caractère manuscrit mention de l’acte de caution locative (art. 47 Projets de loi Elan n°846), qui indéniablement simplifiera la mise en place d’un bail digital.
En parallèle de la numérisation de la relation contractuelle entre le bailleur et le locataire, le « Ebail » doit servir à la remontée de données à des fins statistiques de certains investissements locatifs ayant l’objet d’aides fiscales (ex : loi Pinel). Le souhait de mieux connaître, voire de contrôler, ces opérations, parfois décriées – on se souvient des Robien de la colère, n’a rien de nouveau. Une tentative similaire avait déjà été introduite par le biais des services fiscaux et les déclarations 2044 spéciales, visiblement sans succès.
Bien que légitime, ce nouveau projet pourrait soulever des réticences qui pourraient l’être tout autant. Ce dispositif entraîne pour le moins un doux mélange des genres, en particulier à un moment où la protection des données personnelles fait son entrée dans le paysage législatif, sans même parler du tumulte de l’actualité anglo-saxonne dans ce domaine.
Abstraction faite de cette dimension, non négligeable, le bail numérique de la loi Elan disposera d’un champ d’application couvrant que très partiellement le parc locatif même privé. Par ailleurs, il paraît important de signaler que nombre de legaltech proposent déjà des baux électroniques avec succès, exploitant les diverses réformes facilitant la digitalisation de l’écrit, la signature électronique ou le E recommandé. Le bail numérique de la loi Elan représente donc au mieux un apport limité à la création d’une gestion locative dématérialisée, et ce constat s’étend en suivant à l’ensemble de ce projet de loi, au moins à ce stade du travail parlementaire.
David Richard
Avocat à la cour – Docteur en droit
Article paru dans la revue LE MONDE DU DROIT : le magazine des professions juridiques Avril 2018
Le projet de loi Elan se fonde pour partie sur la volonté d’adapter l’habitat à l’univers digital. Un examen du texte conduit à relativiser cette vision. Les dispositions relatives à cet aspect sont assez peu nombreuses et d’une portée plutôt limitée, y compris la mesure phare du bail numérique, au moins à ce stade de la réforme.
Article
Le projet de loi Elan - pour Évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, pose clairement le principe d’adapter l’habitat au monde digital. L’exposé des motifs du texte relaye le souhait des pouvoirs publics de s’inscrire dans une telle démarche.
Pour le législateur : « Les transitions numérique et écologique transforment les attentes des Français en faveur d’un habitat confortable, sobre en carbone et support de service à l’occupant. ». Et, « Notre politique du logement est encore trop pensée pour les besoins d’hier, et pas assez pour ceux d’aujourd’hui, encore moins ceux de demain. ». Appelant à : « mettre les transitions énergétiques et numériques au service de l’habitant et de nouvelles solidarités entre les territoires et les générations ; ».
Toutefois, ce texte dense, abordant des sujets pour le moins variés et comportant déjà près de 70 articles, comporte finalement assez peu dispositions propres à fonder un habitat digital. Quantitativement, seulement 10% des articles se rapportent à ce sujet. Certes l’approche est trompeuse puisque certains d’entre eux se contentent de poser des principes, laissant le soin à l’exécutif de les développer par voie d’ordonnance, à l’image du bail numérique (art. 61 Projet de loi Elan n°846).
Une analyse qualitative confirme cependant cette première indication, aussi fragile soit-elle. En effet, le projet prévoit une première série de dispositions, disons techniques, visant à ajuster des mécanismes existants. On peut citer l’allégement de la procédure d’installation d’antennes de radiotéléphonie (art. 61 Projet de loi Elan n°846), ou les précisions apportées à la procédure de dématérialisation des autorisations d’urbanisme (art. 17 Projet de loi Elan n°846) initiée par les décrets dits SVE (oct. et nov. 2016).
Ensuite sont prévus deux dispositifs traduisant sur le fond une volonté d’instaurer un service logement numérique. Il s’agit d’une part d’une mesure d’investissement de soutien à la couverture numérique du territoire français (art. 62 et 63 Projet de loi Elan n°846). D’autre part, le texte comprend une mesure « emblématique », celle instaurant un bail numérique que nous venons de mentionner.
Pour être complet, il faudrait ajouter la mesure supprimant le caractère manuscrit mention de l’acte de caution locative (art. 47 Projets de loi Elan n°846), qui indéniablement simplifiera la mise en place d’un bail digital.
En parallèle de la numérisation de la relation contractuelle entre le bailleur et le locataire, le « Ebail » doit servir à la remontée de données à des fins statistiques de certains investissements locatifs ayant l’objet d’aides fiscales (ex : loi Pinel). Le souhait de mieux connaître, voire de contrôler, ces opérations, parfois décriées – on se souvient des Robien de la colère, n’a rien de nouveau. Une tentative similaire avait déjà été introduite par le biais des services fiscaux et les déclarations 2044 spéciales, visiblement sans succès.
Bien que légitime, ce nouveau projet pourrait soulever des réticences qui pourraient l’être tout autant. Ce dispositif entraîne pour le moins un doux mélange des genres, en particulier à un moment où la protection des données personnelles fait son entrée dans le paysage législatif, sans même parler du tumulte de l’actualité anglo-saxonne dans ce domaine.
Abstraction faite de cette dimension, non négligeable, le bail numérique de la loi Elan disposera d’un champ d’application couvrant que très partiellement le parc locatif même privé. Par ailleurs, il paraît important de signaler que nombre de legaltech proposent déjà des baux électroniques avec succès, exploitant les diverses réformes facilitant la digitalisation de l’écrit, la signature électronique ou le E recommandé. Le bail numérique de la loi Elan représente donc au mieux un apport limité à la création d’une gestion locative dématérialisée, et ce constat s’étend en suivant à l’ensemble de ce projet de loi, au moins à ce stade du travail parlementaire.
David Richard
Avocat à la cour – Docteur en droit
Article paru dans la revue LE MONDE DU DROIT : le magazine des professions juridiques Avril 2018