ARTICLES Lex Terra Avocat
Convention BIM et droit : perspective des praticiens
Sur la dimension juridique, les professionnels BIM semblent d’ores et déjà avoir posé des jalons importants, en particulier au regard de l’organisation contractuelle de leurs relations. Ces premiers pas bien que structurants et à l’effectivité établie demandent indéniablement à être consolidés, afin d’atteindre un niveau de sécurité juridique systématique à la hauteur des enjeux des projets BIM. Des besoins sont identifiés sur le volet juridique des conventions BIM, notamment autour des droits attachés aux données échangées et mises en commun.

Citation de l’article : D. Richard, « Convention BIM et droit : perspective des praticiens », ENQ LTA, juin 2020.
L'étude présentée ici ne contient pas les graphiques qui apparaissent dans le document téléchargeable ci-dessous
Méthodologie
L’étude présentée ci-dessous se fonde sur une enquête réalisée à la suite de deux visioconférences animées par Me David Richard sur la plateforme HEXABIM (www.hexabim.com). La première qui s’est déroulée le 24 octobre 2019 avait pour sujet la convention BM, la seconde concernait la protection des données BIM et s’est tenue le 16 avril 2020.
À l’issue de ces interventions, 90 participants ont accepté anonymement de répondre à 10 questions portant sur deux axes principaux : la convention BIM et les problématiques juridiques se rapportant à ce process. Il est important de souligner qu’en dépit de la teneur du questionnaire les participants n’étaient pas vraisemblablement des juristes.
Par ailleurs, les thématiques abordées étaient relativement exhaustives et le nombre de questions assez faibles, l’objectif étant de privilégier une enquête brève, destinée à dégager de grandes tendances. De même, si le nombre de participants donne une certaine représentativité à l’étude, il ne permet pas une exploitation réellement différenciée des réponses données. À ce propos, les valeurs relatives obtenues sur la base de 10 réponses ou moins seront signalées par un astérisque (*10 réponses ou moins).
Des participants professionnels du BIM
Les participants à l’étude présentent des profils variés correspondant aux professionnels du secteur de la construction, intervenant traditionnellement sur le champ BIM. Près de la moitié d’entre eux sont des praticiens du BIM : 48% d’AMO BIM, de coordinateurs ou BIM Modeleurs et de BIM Manager.
Les participants BIM Manager sont les plus nombreux à avoir répondu au questionnaire, ce qui est sans doute lié au profil des adhérents d’HEXABIM. La catégorie "autres" est essentiellement constituée de professionnels de la formation (enseignants, formateurs), géomètres-experts et d’industriels (objets BIM). La participation des maîtres d’ouvrage est relativement faible.
La convention BIM : un outil largement utilisé
L’usage de la convention BIM apparaît largement répandu, puisque seules 8% des personnes interrogées indiquent ne jamais y avoir recours. Par ailleurs, les professionnels qui utilisent cet outil le font régulièrement pour plus 50% (54%) et, parfois, pour 25% d’entre eux, faisant que pour les ¾ des participants la convention BIM est un passage sinon obligé au moins courant, en sachant que la réponse « régulièrement » n’excluent pas des usages systématiques. À noter que si la catégorie des praticiens n’utilisant jamais de convention est très minoritaire, elle est néanmoins composée pour partie de BIM Manager, coordinateurs BIM et BIM Modeleurs.
La spécificité des différents documents BIM semble acquise, comme la valeur contractuelle de la convention
Le process BIM se caractérise par une formalisation forte qui s’articule autour de plusieurs documents : charte, cahier des charges, convention et plan d’exécution notamment. Toutefois, les participants considèrent pour les 2/3 que la finalité de chacun de ces documents est bien établie. Par différence, pour une part non négligeable cela n’est pas le cas, laissant entrevoir une marge de progression en la matière, ce qui est assez normal pour un processus nouveau, présentant un certain niveau de complexité. De la même manière, la hiérarchie et la valeur contractuelle de la convention BIM ne parait pas poser de problème majeur. La part des réponses considérant que c’est totalement le cas demeure faible (21%), mais la dynamique apparaît positive, même si un travail doit encore être réalisé pour la consolider. Le caractère obligatoire de la convention représente un aspect essentiel sur lequel aucun doute ne doit subsister. En effet, la convention BIM tout en étant une annexe technique au contrat principal d’un acteur, celle-ci l’engage purement et simplement vis-à-vis du maître de l’ouvrage.
Des conventions BIM approuvées par le MOA et cohérentes avec le déroulement des projets
La question ne portait pas sur la problématique de la signature de la convention BIM par le MOA, mais sa validation. Or, à presque 80% les personnes interrogées répondent que le MOA doit toujours valider ce document, et 18% parfois. Cela laisse entendre que cet acteur qui est le plus souvent à l’initiative de la démarche BIM est appelé à évaluer la réponse (convention) à sa demande (cahier des charges), éloignant le spectre d’un maître de l’ouvrage se limitant à exiger un process BIM sans réellement se préoccuper des suites qui lui seront données.
Pareillement, l’effectivité de la convention, c’est-à-dire sa capacité à traduire le déroulement du projet semble plutôt positive. Si très peu d’acteurs considèrent que c’est toujours le cas (3%), la plupart d’entre eux indiquent que cette situation est majoritaire (69%). Il ne s’agit pas d’ignorer les 25% qui estiment que projet et convention sont rarement cohérents ni les 3 % déclarant jamais. Simplement, la balance penche clairement du côté d’un processus effectif, même si là encore des progrès devront être réalisés.
Les aspects juridiques de la convention BIM partiellement maîtrisés
Les aspects légaux de la convention BIM apparaissent maîtrisés en partie seulement (55%). Le constat s’explique sans doute par le choix d’une convention BIM annexe technique, abordant à la marge les questions juridiques, y compris la convention type élaboré par Cerema et BIM in Motion. Le Royaume-Uni qui a très tôt mis en place un protocole traitant ces dimensions a créé un cadre sans doute plus sécurisé de ce point de vue.
La publication des normes ISO 19650 qui reprennent la philosophique britannique et la notion de protocole pourrait conduire à la définition d’un document de cette nature en France.
Des besoins de précision sur un large éventail de problématiques
Les thématiques juridiques sur lesquelles les participants font état d’un besoin d’approfondissement sont assez hétéroclites, touchant à des domaines bien différents, allant de la propriété intellectuelle au régime de responsabilité des constructeurs en passant par les marchés publics. C’est sans doute là, la difficulté, mais aussi l’intérêt de la matière.
Les thèmes présentés semblent néanmoins couvrir, au moins en ce moment, l’ensemble de la problématique puisque la catégorie "autres" est tout à fait résiduelle. Le droit du numérique représente un besoin sur deux, avec en particulier une interrogation forte autour de la propriété des données.
La sécurisation des droits sur les données des acteurs BIM à améliorer
Une part significative des personnes interrogées pensent que leurs droits en matière de propriété intellectuelle, qu’ils détiennent sur les données mises en commun ne sont pas suffisamment protégés (36%) et 48% seulement en partie, faisant que 84% évoquent un besoin d’amélioration en la matière. Le résultat semble s’articuler avec le besoin d’une meilleure prise en compte de certaines problématiques juridiques comme la propriété des données. Pareillement, des précisions sur les aspects juridiques des conventions serait de nature à accroître la sécurisation des process d’échanges des données.
Une clause de propriété intellectuelle commune reprise dans la convention serait un premier moyen assez simple à mettre en œuvre. De même, une disposition sur la propriété des données dans le cadre du CDE ou les données à caractère personnel apporterait des repères forts, sans un accroissement réel de la complexité des conventions.

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