ARTICLES Lex Terra Avocat
Obligation d’une résolution amiable des litiges (Art. 750-1 CPC) :
la médiation une solution pertinente pour l’immobilier, la construction et
l’urbanisme*

Abstract : Depuis quelque temps maintenant, une ère nouvelle paraît s’ouvrir pour les modes alternatifs de règlement des différends (MARD). L’obligation récente d’une tentative de résolution amiable figurant à l’article 750-1 CPC atteste de cette évolution, même si certains aspects de la disposition restent à préciser.
Dans cet environnement, de nombreuses solutions s’offrent aux parties en quête de résoudre un différend à l’amiable. La médiation est l’une des voies envisageables et ses avantages sont nombreux, notamment sur le champ de l’immobilier, la construction et l’urbanisme.
Citation : D. Richard, « Obligation d’une résolution amiable des litiges (Art. 750-1 CPC) : la médiation une solution pertinente pour l’immobilier, la construction et l’urbanisme », Horizons du droit n°26, mai 2021, p.23-47.
*Article paru dans la revue de l'Association Française des Docteurs en Droit (AFDD) Horizons du droit n°26, mai 2021, p.23-47.
Dans cet environnement, de nombreuses solutions s’offrent aux parties en quête de résoudre un différend à l’amiable. La médiation est l’une des voies envisageables et ses avantages sont nombreux, notamment sur le champ de l’immobilier, la construction et l’urbanisme.
Citation : D. Richard, « Obligation d’une résolution amiable des litiges (Art. 750-1 CPC) : la médiation une solution pertinente pour l’immobilier, la construction et l’urbanisme », Horizons du droit n°26, mai 2021, p.23-47.
*Article paru dans la revue de l'Association Française des Docteurs en Droit (AFDD) Horizons du droit n°26, mai 2021, p.23-47.
1. Prima faci, les modes alternatifs de règlement des différends (MARD) font partie intégrante du monde judiciaire. Les réticences passées[1], entre justice formelle et informelle, paraissent dépassées.
Même en France, pays de Descartes, la rationalisation exclusive de la justice a cédé le pas à une perspective plus diverse, suivant en cela l’exemple des pays anglo-saxons précurseurs en la matière, notamment en raison d’une organisation administrative et sociale moins centralisée[2]. Bien entendu, des efforts, y compris culturels, restent à accomplir[3].
2. Néanmoins, d’une certaine façon, la fin progressive de l’approche unitaire et moniste à la française du conflit se traduit par l’ouverture sur une multitude de solutions, tant la résolution amiable offre des possibilités diverses et variées. L’offre actuelle a même de quoi impressionner ; pour s’en tenir aux modes les plus répandus, on peut citer la transaction, la procédure participative et bien entendu le trio : conciliation, arbitrage et médiation.
3. Comparer ces solutions n’a rien d'aisé, et en pratique une certaine confusion peut apparaître. Il semble néanmoins que les qualités de la médiation sont régulièrement mises en avant, notamment à l’aune de la crise sanitaire que nous traversons[4]. De même, certains auteurs considèrent qu’elle est appelée à supplanter l’arbitrage, au moins dans certaines affaires d’envergure internationale[5].
Il est vrai que la souplesse et la confidentialité inhérentes au processus représentent de vrais atouts. Il s’agit aussi sans doute de la solution de résolution amiable des différends la plus déjudiciarisée, reposant avant tout sur les parties.
4. La médiation[6] et plus généralement les MARD sont d’ores et déjà très usités dans les domaines de l’immobilier, la construction et l’urbanisme (I). La réforme de la procédure entrée en application en janvier de l’an dernier, rendant obligatoire dans certains cas une tentative de résolution amiable (II), pourrait donner une nouvelle occasion de tester la pertinence de la médiation dans ces matières (III).
I. Le recours au MARD dans le domaine de l’immobilier, la construction et l’urbanisme
5. Les mécanismes dédiés : la conciliation concernant les baux d’habitation et commerciaux. Sur le champ de l’immobilier, la conciliation a fait ses preuves. Elle est utilisée depuis longtemps maintenant dans le domaine de la gestion locative.
En matière de baux d’habitation, l’article 20 de la loi de1989 prévoit la création d’une commission départementale de conciliation départementale[7], à la compétence large. La saisine de cette commission est néanmoins facultative, à l’exception de certains litiges relatifs au loyer[8]. Les locations régies par le bail mobilité sont par ailleurs exclues du champ d’application des commissions de conciliation.
De même, en matière de baux commerciaux, une commission analogue existe[9]. Elle vise au traitement amiable des différends liés à la fixation du loyer du bail renouvelé, la révision du loyer en cours de bail, les charges et réparations locatives[10]. Le champ d’application de cette commission est donc large, mais certains biens sont exclus du dispositif, et la saisine de la commission est toujours facultative.
6. Les mécanismes de droit commun mobilisables sur le champ de l’immobilier et de la construction. En présence d’un différend se rapportant à un marché public de travaux, les parties concernées peuvent se tourner vers les comités consultatifs locaux de règlement amiable des différends relatifs aux marchés publics (CCRA)[11].
Par ailleurs, les articles L.611-1 et suivants du code de la consommation prévoient l’obligation pour les professionnels de mettre en place un dispositif de médiation de la consommation gratuit au profit des consommateurs. Cette obligation s’impose donc aux agents immobiliers, syndics, entrepreneurs de travaux, constructeurs de maisons individuelles, aménageurs ou encore aux promoteurs.
7. Les clauses de résolution amiable des différends. En dehors des mécanismes trouvant leur source dans un dispositif légal, les parties à une opération immobilière peuvent prévoir la faculté ou l’obligation de la mise en place d’un arbitrage ou d’une médiation, pour ne citer que ces deux exemples.
Cette option est prévue, par exemple, par la norme NFP 03.001 sur les marchés de travaux privés, et il en va de même pour les marchés publics de travaux[12]. La digitalisation du secteur de l’immobilier et dans l’industrie de la construction au travers du BIM milite clairement pour le développement de solutions alternatives à la justice formelle. Les deux tendances peuvent même se nourrir mutuellement, sous réserve d’y travailler[13].
II. La tentative préalable de règlement amiable du différend obligatoire de l’article 750-1 du CPC
8. Résolution amiable préalable obligatoire et réforme de la procédure de janvier 2000. Avec le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 portant réforme de la procédure civile, les MARD franchissent clairement un cap en devenant obligatoire[14]. Auparavant, la question était réglée par l’article 56 du code de procédure civile suivant sa rédaction de 2015[15]. La disposition prévoyait, sauf exception, l’obligation pour toutes les assignations relevant du contentieux civil de préciser « … les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige. ». L’orientation du législateur était claire. Seul inconvénient de taille, aucune sanction n’était prévue pour le non-respect de cette exigence. Il en résultait un contentieux procédural systémique assez stérile, ce qui pouvait paraître surprenant pour une disposition de nature préventive.
9. Un préalable obligatoire mais possédant un champ d’application plus réduit. Contrairement à la situation précédant l’entrée en vigueur de la réforme de la procédure civile d’une portée finalement non contraignante, l’article 750-1 du CPC indique : « A peine d'irrecevabilité que le juge peut prononcer d'office, la demande en justice doit être précédée, au choix des parties, d'une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d'une tentative de médiation ou d'une tentative de procédure participative ».
Toutefois, l’obligation d’une telle démarche concerne les actions introduites seulement devant le tribunal judiciaire, tendant au paiement d'une somme n'excédant pas 5 000 euros ou relatives à un bornage, à la distance pour les plantations ou l’élagage d’arbres ou de haies, la distance de certaines constructions[16], au curage des fossés et canaux, à certaines servitudes ou à la contestation de servitudes établies au profit des associations syndicales.
10. Un principe connaissant des exceptions. De plus, les parties sont dispensées de l'obligation préalable de résolution amiable : « 1°Si l'une des parties au moins sollicite l'homologation d'un accord ; 2° Lorsque l'exercice d'un recours préalable est imposé auprès de l'auteur de la décision ; 3° Si l'absence de recours à l'un des modes de résolution amiable mentionnés au premier alinéa est justifiée par un motif légitime tenant soit à l'urgence manifeste soit aux circonstances de l'espèce rendant impossible une telle tentative ou nécessitant qu'une décision soit rendue non contradictoirement soit à l'indisponibilité de conciliateurs de justice entraînant l'organisation de la première réunion de conciliation dans un délai manifestement excessif au regard de la nature et des enjeux du litige ; 4° Si le juge ou l'autorité administrative doit, en application d'une disposition particulière, procéder à une tentative préalable de conciliation. ».
On le voit les exceptions au principe sont nombreuses. Par ailleurs, il faut rappeler que la fin de non-recevoir sera laissée à l’appréciation du juge.
11. Une fin de non-recevoir, a priori, non régularisable. Contrairement au dispositif précédent, l’obligation de l’article 750-1 du CPC comporte une sanction, et même une sanction lourde, puisqu’il s’agit de l’irrecevabilité de l’action engagée.
Pour rappel, en matière de fins de non-recevoir, le principe permet une régularisation et : « … l'irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue. »[17]. Se pose donc la question de savoir si l’absence d’une tentative de résolution amiable, tel que le prévoit l’article 750-1 CPC, peut être régularisée postérieurement à l’introduction de l’action.
A priori, le texte semble écarter une telle régularisation, puisque le texte précise : « A peine d'irrecevabilité (…), la demande en justice doit être précédée … ». De plus, on sait que la jurisprudence refuse la régularisation a posteriori d’une clause de médiation ou de conciliation obligatoire[18].
La sanction de l’irrecevabilité n’en est pas moins brutale, voire discutable[19], et il y a fort à parier que certains magistrats seront tentés par une démarche en cours d’instance, évitant aux justiciables un retour à la case départ. Les avocats auront donc tout intérêt à éviter de tester cette hypothèse aléatoire, par l’organisation de démarches amiables en amont de l’assignation dont ils pourront faire état.
III. L’intérêt de la médiation en préalable à l’assignation pour les litiges immobiliers, de la construction et de l’urbanisme
12. L’orientation très immobilière de l’article 750-1 du CPC. Pour une large part le champ d’application concerne le secteur de l’immobilier (bornage, plantations, servitudes, associations syndicales, etc. cf. §9). L’approche paraît justifiée puisqu’en ces matières, l’apport du juge ou disons d’un tiers capable de trancher le litige au regard du droit n’apparait pas toujours pertinent. La médiation œuvre, elle, à une résolution par les parties, pour laquelle le droit est seulement une des composantes peut présenter une valeur sociale supérieure.
De même, nombre de petits litiges (valeur inf. à 5000 €) puisent leurs sources dans des opérations liées à l’immeuble (location, gestion, entretien), et leur résolution gagnerait sans doute à éviter les tribunaux, en privilégiant une approche plus directe.
13. L’intérêt de la déjudiciarisation en matière de construction. Une large part du contentieux de la construction porte sur les désordres, malfaçons ou non-façons, dont le traitement judiciaire est lourd et souvent peu efficace. Il a par ailleurs pour particularité d’être quasi systématiquement précédé par une expertise judiciaire soit une déjudiciarisation organisée par l’institution judiciaire.
Le coût et le délai de cette phase ne sont pas négligeables et parfois rédhibitoires pour de nombreux justiciables, y compris des professionnels. La médiation présenterait dans ces situations de vrais avantages, dont celles de rapports plus directs, plus simples et moins perturbants que le passage par l’institution judiciaire.
14. Et du contentieux des autorisations d’urbanisme. De la même manière, certaines affaires d’urbanisme mériteraient une phase préalable destinée à l’élaboration d’une solution entre les parties. Dans cette perspective, l’actuelle procédure d’un recours hiérarchique souvent utilisée possède in fine un intérêt disons modeste. En effet, il s’agit quasi systématiquement pour l’autorité compétente de confirmer sa décision, tout en prolongeant le délai de recours du demandeur. Utiliser ce cadre pour une tentative de médiation permettrait a minima de se placer dans la perspective d’une sortie de crise, en confrontant les aspirations des uns et des autres, parfois pour ne pas dire souvent assez éloignées de la réglementation en matière d’urbanisme.
Il faut encore préciser qu’aujourd’hui, la règle est la régularisation des illégalités des permis de construire, même si visiblement certains magistrats peinent à se faire à cette idée. Pour dire les choses autrement, la médiation permettrait d’évoquer les véritables causes de tension, en s’écartant de l’objectif d’une annulation du projet devenue aujourd’hui presque illusoire.
15. La médiation une solution structurée, confidentielle, simple à mettre en œuvre et sécurisante. Sur de nombreux sujets liés à l’immobilier, la construction ou l’urbanisme, la médiation présente des avantages certains. Son processus est maintenant largement appréhendé par les praticiens, et son efficacité s’est améliorée via le développement de variante comme la médiation évaluative. De même, la saisine d’un médiateur est simple.
Enfin, rappelons-le en guise de conclusion, la médiation consiste d’abord à favoriser un dialogue structuré entre les parties en toute confidentialité. Rien n’est imposé, et les engagements pris le sont de façon volontaire, y compris suivant les conseils d’un avocat ou d’un homme de l’art sur les dimensions techniques.
[1] À propos de la médiation voir, F. Creux-Thomas, « La médiation : opportunité ou « gadget » ? », JCP n° 51, 14 Décembre 2009, 558.
[2] J.-P. Bonafé-Schmitt, « La part et le rôle joués par les modes informels de règlement des litiges dans le développement d'un pluralisme judiciaire (Étude comparative France-USA) », Droit et Société Année 1987 6 pp. 263-283.
[3] T. Coustetle, « Médiation : et si les réticences étaient culturelles ? », Dalloz Actualité, 16 juillet 2018
[4] C. Lapp et F. Muller, « L’option MARD renforcée par la crise du covid-19 ? Comment la dématérialisation et l’oralité préservent leur continuité et le lien avec le justiciable », D. actu., 29 mai 2020.
[5] Mediation of Investor-State Conflicts Jun 20, 2014, 127 Harv. L. Rev. 2543.
[6] C. Trebaol, « La médiation dans l'immobilier... pourquoi ? Comment ? », Pratiques et Ingénierie Immobilière n° 4, Octobre 2019, dossier 24
[7] Décret n°2001-653 du 19 juillet 2001 pris pour l'application de l'article 20 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 modifiée et relatif aux commissions départementales de conciliation.
[8] Complément du loyer (art. 17 L89), aux augmentations du loyer lors du renouvellement du bail dans les zones non tendues (art. 17-2, II L89), encadrement des loyers (art. 18, II L89).
[9] Article L. 145-35 du Code de commerce.
[10] Articles L. 145-34 et L. 145-38 du Code de commerce.
[11] Voire Article R. 2197-3 du code de la commande publique et arrêté du 22 mars 2019 relatif aux comités consultatifs locaux de règlement amiable des différends relatifs aux marchés publics.
[12] Voir article 35 nouveau CCAG MOE et 55 nouveau CCAG travaux arrêté du 30 mars 2021.
[13] D. Richard, « Digitalisation of construction in France: a path to develop and improve mediation », Horizons du droit N°15, mai 2020, p. 30
[14] G. Maugain, « Réforme de la procédure civile : cas de recours préalable obligatoire aux modes de résolution amiable des différends », Dalloz Actualité, 16 décembre 2019.
[15] Décret n° 2015-282 du 11 mars 2015 relatif à la simplification de la procédure civile à la communication électronique et à la résolution amiable des différends, article 18.
[16] Article 674 code civil.
[17] Article 126 code de procédure civile
[18] S. FINGERHUT, N° 457 – Tenter une conciliation dans le cadre d’une procédure contentieuse. Aperçu rapide. LexisNexis : « Le défaut de mise en œuvre d'une clause de conciliation instituant une procédure obligatoire et préalable à la saisine du juge, est sanctionné par une fin de non-recevoir et ne pourra être régularisé par la mise en œuvre de la clause en cours d'instance (Cass. 3e civ., 16 nov. 2017, n° 16-24.642 : JurisData n° 2017-022799 ». Voire également sur le sujet Cass. ch. mixte, 12 déc. 2014, no 13-19684.
[19] Voir par exemple : C. Boillot, « Quelle sanction procédurale pour la clause de conciliation obligatoire ? » : Dalloz 2015, p. 208 et N. Dissaux, « Justice imposée v. justice négociée : une conciliation douteuse » : JCP G 2015, 115.
Même en France, pays de Descartes, la rationalisation exclusive de la justice a cédé le pas à une perspective plus diverse, suivant en cela l’exemple des pays anglo-saxons précurseurs en la matière, notamment en raison d’une organisation administrative et sociale moins centralisée[2]. Bien entendu, des efforts, y compris culturels, restent à accomplir[3].
2. Néanmoins, d’une certaine façon, la fin progressive de l’approche unitaire et moniste à la française du conflit se traduit par l’ouverture sur une multitude de solutions, tant la résolution amiable offre des possibilités diverses et variées. L’offre actuelle a même de quoi impressionner ; pour s’en tenir aux modes les plus répandus, on peut citer la transaction, la procédure participative et bien entendu le trio : conciliation, arbitrage et médiation.
3. Comparer ces solutions n’a rien d'aisé, et en pratique une certaine confusion peut apparaître. Il semble néanmoins que les qualités de la médiation sont régulièrement mises en avant, notamment à l’aune de la crise sanitaire que nous traversons[4]. De même, certains auteurs considèrent qu’elle est appelée à supplanter l’arbitrage, au moins dans certaines affaires d’envergure internationale[5].
Il est vrai que la souplesse et la confidentialité inhérentes au processus représentent de vrais atouts. Il s’agit aussi sans doute de la solution de résolution amiable des différends la plus déjudiciarisée, reposant avant tout sur les parties.
4. La médiation[6] et plus généralement les MARD sont d’ores et déjà très usités dans les domaines de l’immobilier, la construction et l’urbanisme (I). La réforme de la procédure entrée en application en janvier de l’an dernier, rendant obligatoire dans certains cas une tentative de résolution amiable (II), pourrait donner une nouvelle occasion de tester la pertinence de la médiation dans ces matières (III).
I. Le recours au MARD dans le domaine de l’immobilier, la construction et l’urbanisme
5. Les mécanismes dédiés : la conciliation concernant les baux d’habitation et commerciaux. Sur le champ de l’immobilier, la conciliation a fait ses preuves. Elle est utilisée depuis longtemps maintenant dans le domaine de la gestion locative.
En matière de baux d’habitation, l’article 20 de la loi de1989 prévoit la création d’une commission départementale de conciliation départementale[7], à la compétence large. La saisine de cette commission est néanmoins facultative, à l’exception de certains litiges relatifs au loyer[8]. Les locations régies par le bail mobilité sont par ailleurs exclues du champ d’application des commissions de conciliation.
De même, en matière de baux commerciaux, une commission analogue existe[9]. Elle vise au traitement amiable des différends liés à la fixation du loyer du bail renouvelé, la révision du loyer en cours de bail, les charges et réparations locatives[10]. Le champ d’application de cette commission est donc large, mais certains biens sont exclus du dispositif, et la saisine de la commission est toujours facultative.
6. Les mécanismes de droit commun mobilisables sur le champ de l’immobilier et de la construction. En présence d’un différend se rapportant à un marché public de travaux, les parties concernées peuvent se tourner vers les comités consultatifs locaux de règlement amiable des différends relatifs aux marchés publics (CCRA)[11].
Par ailleurs, les articles L.611-1 et suivants du code de la consommation prévoient l’obligation pour les professionnels de mettre en place un dispositif de médiation de la consommation gratuit au profit des consommateurs. Cette obligation s’impose donc aux agents immobiliers, syndics, entrepreneurs de travaux, constructeurs de maisons individuelles, aménageurs ou encore aux promoteurs.
7. Les clauses de résolution amiable des différends. En dehors des mécanismes trouvant leur source dans un dispositif légal, les parties à une opération immobilière peuvent prévoir la faculté ou l’obligation de la mise en place d’un arbitrage ou d’une médiation, pour ne citer que ces deux exemples.
Cette option est prévue, par exemple, par la norme NFP 03.001 sur les marchés de travaux privés, et il en va de même pour les marchés publics de travaux[12]. La digitalisation du secteur de l’immobilier et dans l’industrie de la construction au travers du BIM milite clairement pour le développement de solutions alternatives à la justice formelle. Les deux tendances peuvent même se nourrir mutuellement, sous réserve d’y travailler[13].
II. La tentative préalable de règlement amiable du différend obligatoire de l’article 750-1 du CPC
8. Résolution amiable préalable obligatoire et réforme de la procédure de janvier 2000. Avec le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 portant réforme de la procédure civile, les MARD franchissent clairement un cap en devenant obligatoire[14]. Auparavant, la question était réglée par l’article 56 du code de procédure civile suivant sa rédaction de 2015[15]. La disposition prévoyait, sauf exception, l’obligation pour toutes les assignations relevant du contentieux civil de préciser « … les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige. ». L’orientation du législateur était claire. Seul inconvénient de taille, aucune sanction n’était prévue pour le non-respect de cette exigence. Il en résultait un contentieux procédural systémique assez stérile, ce qui pouvait paraître surprenant pour une disposition de nature préventive.
9. Un préalable obligatoire mais possédant un champ d’application plus réduit. Contrairement à la situation précédant l’entrée en vigueur de la réforme de la procédure civile d’une portée finalement non contraignante, l’article 750-1 du CPC indique : « A peine d'irrecevabilité que le juge peut prononcer d'office, la demande en justice doit être précédée, au choix des parties, d'une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d'une tentative de médiation ou d'une tentative de procédure participative ».
Toutefois, l’obligation d’une telle démarche concerne les actions introduites seulement devant le tribunal judiciaire, tendant au paiement d'une somme n'excédant pas 5 000 euros ou relatives à un bornage, à la distance pour les plantations ou l’élagage d’arbres ou de haies, la distance de certaines constructions[16], au curage des fossés et canaux, à certaines servitudes ou à la contestation de servitudes établies au profit des associations syndicales.
10. Un principe connaissant des exceptions. De plus, les parties sont dispensées de l'obligation préalable de résolution amiable : « 1°Si l'une des parties au moins sollicite l'homologation d'un accord ; 2° Lorsque l'exercice d'un recours préalable est imposé auprès de l'auteur de la décision ; 3° Si l'absence de recours à l'un des modes de résolution amiable mentionnés au premier alinéa est justifiée par un motif légitime tenant soit à l'urgence manifeste soit aux circonstances de l'espèce rendant impossible une telle tentative ou nécessitant qu'une décision soit rendue non contradictoirement soit à l'indisponibilité de conciliateurs de justice entraînant l'organisation de la première réunion de conciliation dans un délai manifestement excessif au regard de la nature et des enjeux du litige ; 4° Si le juge ou l'autorité administrative doit, en application d'une disposition particulière, procéder à une tentative préalable de conciliation. ».
On le voit les exceptions au principe sont nombreuses. Par ailleurs, il faut rappeler que la fin de non-recevoir sera laissée à l’appréciation du juge.
11. Une fin de non-recevoir, a priori, non régularisable. Contrairement au dispositif précédent, l’obligation de l’article 750-1 du CPC comporte une sanction, et même une sanction lourde, puisqu’il s’agit de l’irrecevabilité de l’action engagée.
Pour rappel, en matière de fins de non-recevoir, le principe permet une régularisation et : « … l'irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue. »[17]. Se pose donc la question de savoir si l’absence d’une tentative de résolution amiable, tel que le prévoit l’article 750-1 CPC, peut être régularisée postérieurement à l’introduction de l’action.
A priori, le texte semble écarter une telle régularisation, puisque le texte précise : « A peine d'irrecevabilité (…), la demande en justice doit être précédée … ». De plus, on sait que la jurisprudence refuse la régularisation a posteriori d’une clause de médiation ou de conciliation obligatoire[18].
La sanction de l’irrecevabilité n’en est pas moins brutale, voire discutable[19], et il y a fort à parier que certains magistrats seront tentés par une démarche en cours d’instance, évitant aux justiciables un retour à la case départ. Les avocats auront donc tout intérêt à éviter de tester cette hypothèse aléatoire, par l’organisation de démarches amiables en amont de l’assignation dont ils pourront faire état.
III. L’intérêt de la médiation en préalable à l’assignation pour les litiges immobiliers, de la construction et de l’urbanisme
12. L’orientation très immobilière de l’article 750-1 du CPC. Pour une large part le champ d’application concerne le secteur de l’immobilier (bornage, plantations, servitudes, associations syndicales, etc. cf. §9). L’approche paraît justifiée puisqu’en ces matières, l’apport du juge ou disons d’un tiers capable de trancher le litige au regard du droit n’apparait pas toujours pertinent. La médiation œuvre, elle, à une résolution par les parties, pour laquelle le droit est seulement une des composantes peut présenter une valeur sociale supérieure.
De même, nombre de petits litiges (valeur inf. à 5000 €) puisent leurs sources dans des opérations liées à l’immeuble (location, gestion, entretien), et leur résolution gagnerait sans doute à éviter les tribunaux, en privilégiant une approche plus directe.
13. L’intérêt de la déjudiciarisation en matière de construction. Une large part du contentieux de la construction porte sur les désordres, malfaçons ou non-façons, dont le traitement judiciaire est lourd et souvent peu efficace. Il a par ailleurs pour particularité d’être quasi systématiquement précédé par une expertise judiciaire soit une déjudiciarisation organisée par l’institution judiciaire.
Le coût et le délai de cette phase ne sont pas négligeables et parfois rédhibitoires pour de nombreux justiciables, y compris des professionnels. La médiation présenterait dans ces situations de vrais avantages, dont celles de rapports plus directs, plus simples et moins perturbants que le passage par l’institution judiciaire.
14. Et du contentieux des autorisations d’urbanisme. De la même manière, certaines affaires d’urbanisme mériteraient une phase préalable destinée à l’élaboration d’une solution entre les parties. Dans cette perspective, l’actuelle procédure d’un recours hiérarchique souvent utilisée possède in fine un intérêt disons modeste. En effet, il s’agit quasi systématiquement pour l’autorité compétente de confirmer sa décision, tout en prolongeant le délai de recours du demandeur. Utiliser ce cadre pour une tentative de médiation permettrait a minima de se placer dans la perspective d’une sortie de crise, en confrontant les aspirations des uns et des autres, parfois pour ne pas dire souvent assez éloignées de la réglementation en matière d’urbanisme.
Il faut encore préciser qu’aujourd’hui, la règle est la régularisation des illégalités des permis de construire, même si visiblement certains magistrats peinent à se faire à cette idée. Pour dire les choses autrement, la médiation permettrait d’évoquer les véritables causes de tension, en s’écartant de l’objectif d’une annulation du projet devenue aujourd’hui presque illusoire.
15. La médiation une solution structurée, confidentielle, simple à mettre en œuvre et sécurisante. Sur de nombreux sujets liés à l’immobilier, la construction ou l’urbanisme, la médiation présente des avantages certains. Son processus est maintenant largement appréhendé par les praticiens, et son efficacité s’est améliorée via le développement de variante comme la médiation évaluative. De même, la saisine d’un médiateur est simple.
Enfin, rappelons-le en guise de conclusion, la médiation consiste d’abord à favoriser un dialogue structuré entre les parties en toute confidentialité. Rien n’est imposé, et les engagements pris le sont de façon volontaire, y compris suivant les conseils d’un avocat ou d’un homme de l’art sur les dimensions techniques.
[1] À propos de la médiation voir, F. Creux-Thomas, « La médiation : opportunité ou « gadget » ? », JCP n° 51, 14 Décembre 2009, 558.
[2] J.-P. Bonafé-Schmitt, « La part et le rôle joués par les modes informels de règlement des litiges dans le développement d'un pluralisme judiciaire (Étude comparative France-USA) », Droit et Société Année 1987 6 pp. 263-283.
[3] T. Coustetle, « Médiation : et si les réticences étaient culturelles ? », Dalloz Actualité, 16 juillet 2018
[4] C. Lapp et F. Muller, « L’option MARD renforcée par la crise du covid-19 ? Comment la dématérialisation et l’oralité préservent leur continuité et le lien avec le justiciable », D. actu., 29 mai 2020.
[5] Mediation of Investor-State Conflicts Jun 20, 2014, 127 Harv. L. Rev. 2543.
[6] C. Trebaol, « La médiation dans l'immobilier... pourquoi ? Comment ? », Pratiques et Ingénierie Immobilière n° 4, Octobre 2019, dossier 24
[7] Décret n°2001-653 du 19 juillet 2001 pris pour l'application de l'article 20 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 modifiée et relatif aux commissions départementales de conciliation.
[8] Complément du loyer (art. 17 L89), aux augmentations du loyer lors du renouvellement du bail dans les zones non tendues (art. 17-2, II L89), encadrement des loyers (art. 18, II L89).
[9] Article L. 145-35 du Code de commerce.
[10] Articles L. 145-34 et L. 145-38 du Code de commerce.
[11] Voire Article R. 2197-3 du code de la commande publique et arrêté du 22 mars 2019 relatif aux comités consultatifs locaux de règlement amiable des différends relatifs aux marchés publics.
[12] Voir article 35 nouveau CCAG MOE et 55 nouveau CCAG travaux arrêté du 30 mars 2021.
[13] D. Richard, « Digitalisation of construction in France: a path to develop and improve mediation », Horizons du droit N°15, mai 2020, p. 30
[14] G. Maugain, « Réforme de la procédure civile : cas de recours préalable obligatoire aux modes de résolution amiable des différends », Dalloz Actualité, 16 décembre 2019.
[15] Décret n° 2015-282 du 11 mars 2015 relatif à la simplification de la procédure civile à la communication électronique et à la résolution amiable des différends, article 18.
[16] Article 674 code civil.
[17] Article 126 code de procédure civile
[18] S. FINGERHUT, N° 457 – Tenter une conciliation dans le cadre d’une procédure contentieuse. Aperçu rapide. LexisNexis : « Le défaut de mise en œuvre d'une clause de conciliation instituant une procédure obligatoire et préalable à la saisine du juge, est sanctionné par une fin de non-recevoir et ne pourra être régularisé par la mise en œuvre de la clause en cours d'instance (Cass. 3e civ., 16 nov. 2017, n° 16-24.642 : JurisData n° 2017-022799 ». Voire également sur le sujet Cass. ch. mixte, 12 déc. 2014, no 13-19684.
[19] Voir par exemple : C. Boillot, « Quelle sanction procédurale pour la clause de conciliation obligatoire ? » : Dalloz 2015, p. 208 et N. Dissaux, « Justice imposée v. justice négociée : une conciliation douteuse » : JCP G 2015, 115.

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